dimanche 24 avril 2016

Lamballe (republication d'un texte de l'automne 2006)

Puisqu'il fallait qu'elle l'emballe,
Comme un tango dans un lent bal,
Faisant tourner cerfs-volants, balles,
Sa tête et son cerveau, Lamballe...

Puisqu'il fallait que je l'aimasse,
Ses jolis seins, que je les masse,
Tout tout léger, sans poids la masse,
D'un soir passé comme on l'amasse...

Ils ont gardé leur nuit d'hôtel
Au chaud, pour en parler au tel,
L'humain sacrifice à l'autel,
D'autres plaisirs se prévaut-elle ?

Alors, j'ai pris sa nuit bretonne
Contre sa cuisse où l'ombre tonne,
De petits bruits dont nombre étonne,
S'il faut peser, que sombrent tonnes !

Puisqu'il fallait qu'elle l'emballe,
Comme un tango dans un lent bal,
Pour une nuit, sans son, cent balles,
Encor Bell'ment, maison, Lamballe.

dimanche 28 février 2016

Tahiti, 1916 (republication d'un texte de 2005)



Je ne viens que d'avoir 10 ans,
En Europe la guerre fait rage,
Les tranchées sont remplies de sang,
Moi, ici, tout seul, je nage...

Je goûte à des plaisirs d'enfant
Dans ce paradis sauvage,
Depuis bientôt plus d'un an,
Papeete pour paysage...

L'école est pourtant là,
Avec cette mission pour ancrage,
Ces quelques frères pénitents
Donnent leur savoir en partage.

Et dans ces rythmes indolents,
Tel un immense sarcophage,
L'archipel offre ses présents
A ses voyageurs de passage...

Les cocotiers toujours présents,
Rafraîchissants, de leur ombrage,
Abritent des crabes grimpants
Dont on fait d'immenses saccages.

Ici les fruits sont abondants,
Et la nature nous engage
A profiter du temps présent
Comme d'un rite anthropophage.

Les filets dans les lagons brillants,
Ramènent dans leur fin maillage,
De longs poissons tout ruisselants
Que l'on récolte sans ambages.

Et dans leurs beaux reflets d'argent,
Il y a toujours ces coquillages,
Ces huîtres plates renfermant
Les perles dont elles sont la cage.

Mais attention, sois vigilant !
De cet Eden aux cent visages,
Serpent-minute peut prestement
Te renvoyer dans les nuages...

Aller pêcher le requin blanc,
Le monstre de ces beaux rivages,
A coups de rames sur l'océan
Pour le rabattre vers la plage.

Le requin bleu pour les enfants,
Amphibiens dès leur plus jeune âge,
Est un jeu simple et amusant
Dont la mâchoire sert de gage.

Les indigènes sont charmants,
La tahitienne a cette image
De la beauté de ses vingt ans,
Fanant comme un vague mirage...

Mais son regard de firmament
Ferme un moment le noir passage
Qui nous ramène incessamment
A l'horizon de nos naufrages.

Sous un soleil abrutissant,
Les pirogues à l'abordage
De l'arrivée d'un vieux gréement
Qui vient se poser au mouillage.

Le bateau s'entoure des chants
De ces hommes dont le courage,
La puissance et les gestes lents
Forcent le respect et l'hommage.

Sous sa coque les adolescents
S'amusent à faire des passages,
Les poumons pleins d'un air plongeant,
Laissant ses bulles pour sillage.

A la capitainerie mon père attend
D'enregistrer les arrivages,
Maître fourrier qu'un sort clément
A maintenu loin du carnage.

Il guette son croiseur allemand,
Le Bismarck est dans les parages,
De guerres lointaines, signe planant,
De ces tueries, mauvais adage...

Ma mère écrit pendant ce temps,
Et chaque jour noircit les pages
Du quotidien de ces jours lents,
Aux antipodes de l'outrage.

Et moi je pense secrètement,
Regardant leur curieux ramage,
Que ces oiseaux de mon présent,
Resteront ceux de mes voyages.

Dans mon futur assurément,
Tous les fruits de mon mariage,
Mes filles et leurs enfants
Sauront le goût de ces rivages.


A Tahiti, j'ai eu dix ans,
De moi restera cette image,
Ma mère et mon père m'entourant,
Mille neuf cent seize, pas davantage...